En partenariat avec Fabienne Martin, la galerie in camera lève le voile sur l’œuvre de Laurence Sackman, photographe de mode culte des années 80.
Laurence Sackman nait en 1948 à Wembley, banlieue du nord de Londres. Il débute dans la photographie à 14 ans en étant l’assistant d’un photographe de natures mortes, Sidney Pisan, qui exerce aussi la profession de dentiste. Auprès de Pisan, le jeune Sackman est initié au flash annulaire (« ring-flash ») que son mentor utilise à son cabinet médical comme dans son activité artistique. Quelques années plus tard, Sackman est l’un des premiers photographes de mode à user de ce type d’éclairage qui atténue les ombres.
L’apport de Laurence Sackman à la photographie ne saurait se résumer à de jolies lumières peaufinées en studio. Son œuvre, à la fois poétique et subversive, fortement teintée d’érotisme, est l’empreinte d’une sensibilité à vif. Une époque s’y reflète, où toutes les audaces sont permises.
Sa maîtrise exceptionnelle et son regard décapant éclosent à l’orée des « swinging sixties ». Londres, capitale de la culture pop, fait alors souffler un vent de liberté dans l’art, la musique, la mode. Agé de vingt ans en 1968, Sackman fait partie de cette jeunesse hédoniste, en pleine libération sexuelle, désireuse de vivre dans une société plus libérale et permissive.
Il commence par photographier ses proches, sa femme Rémi, ses cousines. Les mannequins vedettes de la décennie prennent la pose devant son objectif : l’anglo-indienne Chandrika Casali muse de Guy Bourdin et de David Bailey, l’iconique Grace Jones, ou Renate Zatsch, égérie de Helmut Newton. Sans oublier Twiggy, modèle emblématique du « swinging London ».
Les images de Laurence Sackman sont souvent transgressives. Sa signature s’impose dans les magazines. Il travaille pour Esquire, Stern, Queen, le Sunday Times, Nova , le New-York Times. A Paris, le Jardin des Modes et Vogue Hommes le sollicitent.
Ami du photographe Steve Hiett qui le présente en 1970 à Claude Brouet, rédactrice en chef de Marie-Claire et à Emile Laugier son talentueux directeur artistique, Sackman ne laisse personne indifférent. Emile Laugier se souvient d’un jeune homme aux yeux brillants d’intelligence, d’une grande exigence, avec des idées de mise en scène très précises, sachant exactement ce qu’il veut. Alain Lekim, assistant de Laurence Sackman pendant quelques années, est fasciné par l’artiste au point qu’il abandonne un début de carrière très prometteur dans la photographie, pour se consacrer à lui. Le célèbre Paolo Roversi fut son assistant. Il trouve alors Sackman « difficile à vivre » mais témoigne « qu’il lui a tout appris ».
A cette époque, le nom de Sackman est sur toutes les lèvres dans le microcosme de la mode. On ne parle que de ses excentricités, et, surtout, de sa modernité, de son inventivité. Sackman réalise des campagnes publicitaires pour des marques en vue : Saint-Laurent, Audi, De Beers.
Un jour, à la demande d’Yves Saint-Laurent en personne, Sackman participe à la réunion préparatoire d’une campagne au cours de laquelle s’échangent des idées. Que va -t-il proposer de son côté ? De faire les photos sur la lune….
Quand on l’interrogeait sur la postérité de son style, Helmut Newton se voyait deux héritiers : Laurence Sackman et Chris von Wagenheim. De fait, Sackman sera le photographe référent des années 80.
En 1983, son dernier opus, une série de nus réalisée dans la chambre 65 de l’hôtel La Louisiane devient en quelque sorte son testament. Selon lui, la série constitue son travail le plus abouti. Souffrant de troubles psychiatriques, Laurence Sackman met fin à son activité de photographe en 1984. A ce propos, il confiera en 2017 : « Quand j’ai arrêté la photographie, j’ai eu le sentiment d’avoir fait tout ce que j’avais envie de faire. Je n’ai pas eu de regret. J’ai l’intime conviction que je me serais répété si j’avais continué. »
Tel était Laurence Sackman, un corps céleste, une comète qui a traversé les années quatre-vingt.