in camera présente un ensemble de tirages noir et blanc d’Alexandra Catiere regroupant deux de ses séries: « Land without shadows » et « Here, beyond the mists ».
Alexandra Catiere est née à Minsk, actuelle Biélorussie. En 2000, elle s’installe à Moscou et commence à s’intéresser à la photographie. Elle part en 2003 à New York et étudie à l’International Center of Photography (ICP). En 2005, elle rejoint le studio d’Irving Penn.
Elle s’installe à Paris en 2008. En 2011, après une résidence au Centre d’art de GwinZegal à Guingamp, elle est lauréate de la première édition de la résidence BMW au musée Nicéphore Niepce de Chalons sur Saône et expose aux Rencontres internationales de la photographie d’Arles. Alexandra Catiere collabore régulièrement avec la presse. Elle vit et travaille à Paris.
« A travers ses clichés, j’ai vu Alexandra Catiere, avec patience et méthode, s’étoffer, prendre ses marques, s’attacher à capter un certain ordinaire, une multiplicité d’images que nous percevons comme les bruits mêmes de nos vies, qui se répètent et forment un quotidien. J’ai découvert des photographies que ne peuvent cerner totalement ni le langage ni la connaissance. Des clichés comme lieu utopique sur lequel le temps n’agit pas, sinon sur le mode de la permanence et de l’immuable avec comme seules marques l’histoire qu’elle raconte : des visages, des dos d’hommes et de femmes, des corps ou des parcelles, des paysages sous la neige ou dans la brume, tout un abécédaire personnel qui fascine, séduit et interroge.
Au premier regard, Alexandra explore le familier, presque le commun. Qui d’entre nous ne s’est pas appuyé le dos à un banc pour regarder l’océan ? Qui n’a pas rêvé devant un paysage de neige ? Mais parce qu’il est évident, toujours là, l’ordinaire est-il pour autant transparent et acquis ? Et si le simple fait de prendre la peine de s’y arrêter, de le penser, faisait prendre conscience de son inquiétante étrangeté. Pourquoi ses images nous paraissent elles ne s’intéresser, en définitive, qu’aux marges ou à ceux qui y vivent ?
Alexandra Catiere a une approche particulière de la photographie.
Si elle ne privilégie aucun appareil, elle trouve juste le noir et blanc, plus dense et mettant en valeur sa propre transcription du réel. Elle fait elle même ses tirages dont elle aime jouer avec la matière. C’est un des principaux moyens de donner un écho à l’image selon qu’elle la rend plus claire ou plus sombre, plus chaleureuse ou plus froide. Enfin elle réfléchit pour chaque cliché à une taille particulière, cadrée ou non, le plus souvent de petit ou moyen format.
« Land without shadows » montre des cartes postales inversées. Des hommes, des femmes regardent la mer. D’eux, on ne voit que le haut des corps dont la proximité ou l’écart invitent à imaginer de l’amitié, de l’amour et de l’emphatie. Mais – et c’est là qu’elle est percutante – avec cette manière de fragmenter les corps, Alexandra laisse un vide, comme un trou dans l’image et crée un sentiment de perte. Elle rejoint là un surréalisme contemporain où chaque forme banale devient un objet mystère qui se transforme à mesure qu’on cherche à le définir.
« Here, beyond the mists » joue subtilement encore avec des éléments dont le sujet se serait retiré de lui même, presque au delà du monde. On se délecte de découvrir des photographies immobiles, au delà de l’éphémère et qui, pourtant, sont tellement familières qu’elle protège de l’indifférence.
C’est avec ces moyens qu’Alexandra construit une œuvre pas encore figée et qui semble au plus près de son essence. Ses photographies font partie de l’espace par excellence de l’écart et de l’altérité. Presque neutres, chacun peut y inventer sa propre petite musique.»
Françoise Docquiert