En une quinzaine d’impressions Fine Art, Amy Friend s’essaie à montrer, à travers un jeu avec la matière, la résistance de la photographie.
Toujours le feu. Le feu de la lumière et le feu de l’eau, source de rêveries oniriques. Pour sa deuxième exposition à la galerie in camera, Amy Friend prolonge à dessein le mystère de Dare alla Luce et propose une toute nouvelle série, Tiny tears fill an ocean. Point commun : son désir – non pas d’écrire sur le tirage – mais d’estimer sa résistance face aux éléments naturels et peut-être question ouverte, à la mémoire.
On se souvient de ces constellations qu’elle avait dessinées pour Dare alla Luce, de minces points lumineux qui tantôt ombraient les paysages, tantôt semblaient donner aux personnages quelque indication utile à leur destin. Telle une diseuse de bonne aventure, Amy Friend lit les lignes de la photographie avant d’imposer sa propre interprétation. Oui, semble-t-elle dire, voilà ce que je vois et ce que je prends de ce monde invisible qui hante le médium, non pas des fantômes à la Victor Hugo, l’écrivain tourneur de tables, mais plutôt des traces sur le sable. Celles qui disparaissent sous les vagues à la marée montante et resurgissent comme des étincelles à la surface de la mer.
Amy Friend, née en 1974 à Windsor, à l’extrême-sud du Canada, vit et travaille aujourd’hui à Sant Catharines (Ontario), non loin des chutes du Niagara. L’eau est comme une pierre précieuse dans sa recherche artistique, elle brille, elle est une surface mouvante, un miroir fugitif au cœur de son récit imaginaire.
Il y a quelque chose de troublant dans sa photographie, qu’elle choisisse des portraits extraits de son album de famille ou qu’elle récupère ici et là des visages anonymes. Elle a ce goût de la manipulation du médium, mais sans tricherie, comme une joueuse de cartes un peu distraite qui s’amuserait à brouiller la règle du jeu. La lumière lui est familière, elle s’en sert, écrit-elle, « de manière métaphorique pour permettre de nouvelles lectures, parfois pour des applications brutales et parfois avec délicatesse. »
Avec Tiny tears fill an ocean, Amy Friend bouscule, encore une fois, la matière sensitive de la photographie. Comme si elle voulait toucher de visu « ce corps des larmes », dont parlait Gaston Bachelard dans L’Eau et les Rêves.
Brigitte Ollier