Pour sa première exposition à la galerie, in camera présente deux séries iconiques du photographe hollandais Hans van der Meer, « European Fields » et « Minor Mysteries ».
European Fields
« En 1988, j’ai découvert aux archives Spaarnestad à Haarlem, aux Pays-Bas, une pile de vieilles photos de football. Il s’agissait de magnifiques tirages en noir et blanc des matchs internationaux de l’équipe nationale néerlandaise, du début du XXe siècle jusqu’au milieu des années 1950. La plupart des photos étaient prises depuis l’arrière du but, et certaines depuis les tribunes. L’angle de prise de vue des images m’a semblé si Оvident que je me suis demandé pourquoi je n’avais jamais vu de telles photos de football auparavant.
Prises avec d’anciens appareils photo grand format, toutes les photos étaient d’une grande netteté. On pouvait voir l’ensemble du cadre du match. Le terrain n’était que le premier plan. On pouvait également distinguer les visages des hommes portant des chapeaux et de longs manteaux dans la tribune opposée, les drapeaux au sommet du toit et les arbres au-delà, ou encore la circulation dans une rue au loin. Ces détails photographiés involontairement me touchaient.
J’ai découvert à quel point la photographie de football avait radicalement changé à la fin des années 1950 : l’espace disparaissait des images. Dans un sport où tout tourne autour de la position des joueurs sur le terrain, les photographes avaient renoncé à l’une de leurs armes les plus puissantes : la vue d’ensemble.
En 1995, le journal Volkskrant m’a demandé de prendre des photos sur le football amateur. J’ai cherché des terrains où un paysage était présent en toile de fond. Je me suis rapidement tourné vers les divisions inférieures et les terrains ruraux typiques situés à l’extérieur des villages. C’est là que j’ai pu donner au paysage sa place « involontaire » au-delà du football.
En 2000, le magazine de football alternatif JOHAN m’a offert une double page régulière au dos de leur magazine. Je présentais chaque mois un site européen différent. Par la suite, j’ai été invité par des institutions européennes de photographie à photographier le football amateur dans leurs régions.
Dans le coeur et l’esprit de ces joueurs amateurs, les stades ne sont jamais loin, même dans les villages reculés d’Europe, les équipes s’alignent près du rond central. Aussi loin que possible de la Ligue des champions dans un cadre à mille lieues des tribunes pleines et des stades couverts, il s’agit d’un plombier, d’un enseignant, d’un inspecteur des impôts, d’un analyste de systèmes, d’un vendeur, d’un employé de banque, d’un agriculteur, d’un garagiste, d’un tailleur de verre, d’un étudiant ou d’un boulanger, et ils ne saluent pas plus de deux hommes et un chien. C’est une preuve suffisante du puissant mécanisme que personne ne peut nous enlever : notre imagination. Et pour moi, c’est exactement là que le football et la photographie se rejoignent. »
Minor Mysteries
« En 1981, près d’un demi-million de personnes ont manifesté à Amsterdam contre la course aux armements nucléaires après que le gouvernement néerlandais ait accepté de baser des missiles de croisière de l’OTAN sur son territoire.
Les pays situés derrière le rideau de fer étaient nos ennemis supposés. Dans le même temps, de plus en plus de citoyens d’Europe occidentale s’intéressaient à la vie des habitants de l’Europe de l’Est. Contrairement à la population du bloc de l’Est, nous pouvions voyager librement en demandant un visa à nos ambassades.
En septembre 1982, j’ai voyagé quelques jours en Hongrie pour la première fois. Les quelques photos que j’ai prises n’ont pas quitté mon esprit. Elles m’ont permises de découvrir ce que je voulais vraiment faire dans la photographie et dans la vie.
J’ai quitté mon travail et je me suis inscrit à la Rijksakademie, où j’ai été admis en août 1983. J’ai pu y approfondir mon regard de photographe. En 1984, je suis retourné à Budapest, avec mon Leica M3 et un objectif de 50 mm.
J’ai loué un appartement dans la rue Bartok Bela, et j’ai commencé, un peu au hasard, à arpenter les rues.A Budapest, j’ai été ému par la réalité quotidienne de la population. Il était triste de voir des personnes âgées, abandonnées par leur gouvernement avec une pension minuscule, ramasser des cartons pour quelques pièces.
Au début, mes photographies étaient comme une étude du langage corporel dans toutes sortes de situations, souvent déroutantes : des personnes se penchant pour lacer leurs chaussures, ou ramasser leurs clés tombées, s’accrochant aux barreaux des fenêtres, tournant le long de lampadaires tordus, poussant maladroitement une vieille machine à laver le long d’un trottoir et ainsi de suite. J’étais constamment en mouvement. En réagissant rapidement, parfois sans même regarder dans le viseur.
Ces situations, révélées en images, sont devenues encore plus énigmatiques. Me plonger dans ces énigmes devenait un moyen de créer un espace pour l’imagination. Ces images ne semblaient pas accidentelles. Elles soulevaient une question sous-jacente : en quoi ces petits mystères renvoyaient-ils à un tableau plus vaste ? Je jouais avec la capacité de la photographie à parler de la vie, loin des évènements d’actualité.
J’ai toujours été attiré par la capacité de la photographie à mystifier. A la recherche d’un style non dramatique, j’ai développé mes films en gardant toutes les nuances de gris et j’ai tiré en conséquence dans la chambre noire.»