A l’occasion de la sortie du livre « Behind the Glass » chez l’éditeur Chose Commune, in camera présente en partenariat avec le commissaire d’exposition Ante Glibota une vingtaine de tirages d’Alexandra Catiere.
En 2005, alors qu’elle étudiait à New York, Alexandra Catiere retourna à Minsk pendant deux semaines dans l’intention de photographier sa ville natale. « J’étais fascinée par les visages collés aux fenêtres des bus qui arrivaient à la station où j’attendais. Ils me regardaient en retour, la vitre givrée nous séparait créant une impression de détachement ».
Elle commença a les photographier et poursuivit cette série à Moscou en 2006.
« La solitude de ses portraits est caractéristique, puisqu’on découvre dans chacune de ces photos une invitation à méditer les tréfonds de l’âme. Leur force existentielle, leur regard souvent absent, l’air triste, distant, comme pour nous dire qu’ils ne souhaitent pas laisser une trace de leur passage terrestre, sont tirés par l’artiste dans un certain sfumato hivernal photographique, noirci, les personnages sont pris à travers les vitres d’un bus ou d’une voiture, détaillant la poussière ou les gouttes d’eaux en surface, le gel présent sur les visages et l’environnement et reflétant l’expressivité, renforçant notre détermination de spectateurs à nous interroger. Soudain, par une sensibilité raffinée, les gouttes de pluies sur le pare-brise sont devenues des larmes humaines. Elle transforme leurs visages en une sorte d’icônes. »
« Prendre des photos est fascinant, mais pour moi, cela ne suffit pas. La beauté d’une image ne réside pas uniquement dans la beauté du sujet. J’aime repousser les limites du tirage et m’éloigner de la réalité » déclare Alexandra Catiere, qui se décrit elle-même comme « une créatrice d’images qui dessine avec la lumière. »
L’exposition à la galerie fait dialoguer cette première série de portraits encore inédite avec une sélection d’autres travaux, notamment un nouveau corpus de photogrammes, dernières expériences de l’artiste sans appareil photo, menées en chambre noire avec de la lumière, du papier sensible, des cailloux et de l’herbe.
« Ses travaux expérimentaux s’acheminent vers une pure abstraction, vers une idée de la photographie selon l’œil mental, imperceptible du réel, déployée entre transcendance et empirisme, et exprimée par ses photogrammes. Cette nouvelle voie conduit l’artiste à une extension du concept de conscience, là où la caméra n’entrevoit pas. Mais simplement une superposition de papier photographique et de forme végétale facilement maniable ou une composition dont l’artiste modifie le sujet mis directement sur la matière vers une nouvelle réalité. Certains de ces graphismes sont évocateurs ou appellent une lecture multiple, sans que l’artiste ne leur donne une désignation. »
Ante Glibota, novembre 2018