Pour sa troisième exposition à la galerie et la parution de son quatrième livre, Alexandra Catiere propose ses dialogues argentiques, reflets d’une création sans cesse recomposée.
La photographie est aussi un dialogue, on l’oublie parfois. Ce dialogue, discret plutôt que secret, accompagne Alexandra Catiere depuis ses débuts, en 2002. Ses tirages intuitifs développent un langage d’une grande sérénité, toujours empreint d’eurythmie. Ce qu’elle voit, ce qu’elle absorbe, ce qu’elle ressent, nous le voyons, nous l’absorbons, nous le ressentons. Gratitude réciproque. D’une certaine façon, il n’y a aucune frontière entre elle et nous, comme si, grâce à son écriture si sensible, cette photographe franco-biélorusse, née à Minsk le 28 juin 1978, s’inscrivait au présent dans notre réalité.
S’éloignant de toute idée productiviste, Alexandra Catiere a choisi non la tyrannie de la reproduction, ou celle de l’exemplarité, mais « le dialogue avec la matière » : « Je cherche comment je peux approfondir la surface des images pour qu’il y ait de la place, pour qu’il y ait un espace pour partir ailleurs. Je veux être indépendante dans la chambre noire et ne pas être limitée par le tirage parfait. Qui dit que tous les gris doivent être sur une image ? Je veux retrouver la spontanéité, la légèreté, la joie qui existent pendant la prise de vue. »
Alexandra Catiere a été formée à New York, à l’International Center of Photography (ICP). Elle aime ce qu’elle appelle « la vibration du tirage ». Un temps, elle a été l’une des assistantes d’Irving Penn (1917-2009), le plus silencieux des photographes américains, l’inventeur du studio écolo : « C’était une bonne école, l’ambiance était monastique et chacun faisait ce qu’il savait faire au mieux. Irving Penn était un homme très simple, très réservé et qui traitait chacun avec beaucoup de respect. »
Lorsqu’on se penche sur les photographies d’Alexandra Catiere, ce sont des traces de lumière qui dévoilent des visages derrière des vitres, des paysages, des fruits cézanniens, des enfants jouant au long d’une rivière en Bretagne. Pas de voyeurisme, pas de déjà-vu, ce sont des échos qui résonnent et frissonnent comme des ronds dans l’eau. Son quatrième livre, À Haute Voix, publié par Gwinzegal, en retrace la partition complète. S’y rejoignent des personnages croisés ici et là, certains cadrés différemment, comme pour mieux les faire revivre, d’autres qui paraissent avoir été dynamisés par le passé. « Ce sont des moments justes », note simplement Alexandra Catiere.
Ce vivant ondoyant donne tout son sens à ce travail au plus près de la clarté. Au plus près de la vie, « beaucoup plus riche que n’importe quelle mise en scène. »
Brigitte Ollier