À l’occasion de la première exposition de Michel Sima à la galerie, une vingtaine de portraits d’artistes seront présentés, dont Pablo Picasso, Henri Matisse, Marcel Duchamp, Joan Miró et Dora Maar… Ces clichés, à la fois sensibles et intimes, immortalisent les figures emblématiques de l’art moderne et témoignent de la vie artistique parisienne des an- nées 1950. Michel Sima, à travers son objectif, s’affirme ainsi comme le témoin privilégié de cette époque foisonnante.
« Y a-t-il un moment où le monde devient si difficile que la vie est impossible ? L’acte créatif lui-même nous permet-il de continuer et nous sauver ?
À la fin des années 1940, alors que les horreurs de la Seconde Guerre mondiale touchent à leur fin, le philosophe allemand Theodor Adorno répondait en déclarant que la création artistique était impossible après une telle rupture civilisationnelle, Mi- chel Smajewski, dit Sima, révélerait-il le contraire ?
Michel Smajewski regagne la France en 1945 après avoir passé trois ans dans les camps de concentration. Accueilli par son ami Romuald Dor de la Souchère, conservateur du Chateau Grimaldi, il retrouve graduellement sa santé physique, sans pouvoir reprendre sa pratique de sculpture pour autant. Il se met alors à photographier son entourage, avec l’encouragement de ses amis artistes car par essence, la photographie et la sculpture se rejoignent, non seulement elles reproduisent la réalité, elles l’immortalisent.
Sima devient rapidement un témoin privilégié de l’effervescence artistique d’après-guerre, très proche des artistes de l’école de Paris. Il produit des portraits singuliers de ses pairs, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il adopte le nom d’artiste Sima, une anagramme d’Amis, comme lui suggère Paul Eluard.
Et si Sima, l’artiste, semble s’éclipser en présence de toutes les figures majeures de la scène parisienne du XXe siècle, la lecture attentive de ses clichés révèle une puissance inouïe. Tout se passe comme si les sujets de ses portraits étaient mis en scène au profit du propos artistique du photographe, les voilà se prêtant ainsi au jeu de l’exercice photographique ou encore de la mise en abyme en images vivantes.
L’amitié entre Sima et ces artistes est certainement le ferment qui a permis d’élaborer le portrait d’une génération tout en douceur et en puissance, loin des débats académiques sur l’art. Sima nous laisse le témoignage de sa pulsion de vie après avoir connu le pire. Et il soulève une question résolument contemporaine sur ceux qui reviennent de l’horreur, qui deviennent nos amis, et sur l’importance de leur regard sur le monde. »
Texte de Fabienne Martin, Directrice artistique du fonds photographique Michel Sima