Pour sa première exposition à la galerie in camera, Philippe Bordas présente un travail sur les jeunes cavaliers et cavalières mossis photographiés au Burkina Faso, de 2011 à 2014. L’accrochage comprend une quinzaine de tirages.
Cette série spectaculaire, d’ambiance cinématographique, aux lisières du reportage et de la fiction, a été réalisée en argentique couleur dans les rues de Ouagadougou. Elle forme le dernier volet d’une œuvre au long cours, intitulé « L’Afrique Héroïque ».
Entamé en 1988, ce travail sur « L’Afrique Héroïque » comprend quatre séries, les boxeurs du Kenya, les lutteurs du Sénégal, les chasseurs du Mali et le portrait de l’ivoirien Frédéric Bruly Bouabré, artiste et inventeur d’alphabet. Premier opus de cette fresque poétique, l’ouvrage L’Afrique à poings nus (Seuil), sur les boxeurs de Nairobi et les lutteurs de Dakar, a obtenu le prix Nadar en 2004.
Les Cavaliers mossis vivent au Burkina-Faso, au milieu de l’Afrique de l’Ouest, sur un plateau continental sans rivières ni accès à la mer. La capitale, Ouagadougou, est l’une des seules villes au monde où des chevaux montés à cru se déplacent en liberté, traversant les avenues bitumées, les ruelles de terre, sautant les trottoirs, patientant au feu rouge près des taxis et des nuées de petits scooters.
Dans cette ville basse et poudreuse, les chevaux sont rois : ils trônent et paissent devant les maisons misérables des quartiers ; ils côtoient les Mercedes ou les BMW devant les façades des riches villas. Le cheval vit et survit dans le cœur des Burkinabés, il est l’emblème du pays, il en est l’âme, si l’on se rappelle que la signification de Ouedraogo, le nom du fondateur mossi, signifie « cheval mâle ».
La cavalerie fabuleuse de l’empire mossi est demeurée dans tous les esprits. Brisée par l’armée française en 1896, cette cavalerie mythique a ressuscité depuis quelques années, grâce à une famille de cavaliers virtuoses et aux recherches historiques des savants burkinabés qui ont reconstitué les tenues ancestrales. Mieux, de jeunes garçons et de jeunes femmes de belle allure se déplacent à nouveau à cheval dans la ville et se réunissent pour des spectacles, vêtus de ces tenues d’outre-temps. Ce sont ces cavaliers et cavalières que Philippe Bordas a photographiés au gré de plusieurs séjours dans la capitale burkinabé, de 2011 à 2014.
La plupart des personnages de cette série photographique sont les descendants directs des cavaliers et des amazones de l’armée de l’ancien roi, le Mogho Naaba, dont un descendant est toujours en règne. Tous les vendredis, rituellement, il se présente à sa cavalerie en grand habit.
C’est un spectacle étonnant de voir ces cavaliers dans Ouagadougou et dans les campagnes voisines se déplacer en petite bande, torse nu ou en habits de soirée, pour aller faire des courses, boire un soda ou retrouver des amis dans une boîte de nuit. Comme si l’ancestrale cavalerie mossi était pour un temps revenue à la vie, dans le chaos urbain, rappelant à tous le culte équestre de la noblesse et de la beauté.
Philippe Bordas est né en 1961 et vit à Paris. Écrivain et photographe, il s’attache par le texte et l’image à sortir d’oubli, à magnifier les figures d’une d’aristocratie populaire — réprouvés et exclus d’Afrique et de France, des cités et des bidonvilles, qui se sont créés un destin, ont inventé un style.
Comme écrivain, il est l’auteur de Forcenés (2008) et de L’invention de l’écriture (2010) aux éditions Fayard, ainsi que de Chant furieux (2014) et Cœur-Volant aux éditions Gallimard. Pensionnaire de la Villa Médicis en 1996, exposé régulièrement à Paris-Photo, il a présenté sa rétrospective sur « L’Afrique Héroïque » à la Maison Européenne de la photographie en 2010.
Ses photographies sont présentes dans de nombreuses collections : Collection personnelle du roi Mohammed VI, Maroc.
FNAC. Fonds National d’Art Contemporain.
MEP. Maison Européenne de la Photo. Galeries Photo Fnac. Fondation Bernard Magrez. Musée Géo-Charles, Échirolles. Collections privées.